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Morgan Rice


« TRANSMISSION EXTRATERRESTRE est fascinant, inattendu et solidement enraciné dans des profils psychologiques forts soutenus par des éléments de thriller et de science-fiction : qu’est-ce que les lecteurs pourraient demander de plus ? (Seulement la publication rapide du tome n°2, Arrivée.) »--Midwest Book ReviewMorgan Rice, l’auteur mondial n°1 de best-sellers d’heroic fantasy, nous offre le tome n°4 d’une série de science-fiction longuement attendue. Kevin et Chloe pourront-ils survivre seuls dans l’espace ? Est-ce que Luna, seule sur Terre, pourra échapper à la capture ?Pour Kevin et Chloe, tout semble perdu. La navette avec laquelle ils se sont enfuis dérive dans le vide et leurs rations de survie diminuent jour après jour.Les extra-terrestres encerclent Luna en grand nombre et tout semble perdu pour elle.Reste-t-il un espoir pour l’humanité ?« Plein d’action… l’écriture de Morgan Rice est irréprochable et le prologue intrigant. »— Publishers Weekly (pour La Quête des Héros)« Une heroic fantasy de qualité supérieure… Ce livre charmera forcément tous les lecteurs qui aiment les récits de fantaisie épique animés par de jeunes adultes étonnants et crédibles. »— Midwest Book Review (pour Le Réveil des Dragons)« Une fantasy pleine d’action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L’Héritage par Christopher Paolini… Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. »— The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons)Vous pouvez aussi acquérir les nombreuses séries d’heroic fantasy de Morgan Rice, dont La Quête des Héros (le premier tome de L’Anneau du Sorcier), qui est disponible en téléchargement gratuit avec plus de 1300 évaluations à cinq étoiles !







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(LES CHRONIQUES DE L’INVASION, TOME 4)



MORGAN RICE


Morgan Rice



Morgan Rice est l’auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la série d’épopées fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes ; de la série à succès n°1 SOUVENIRS D’UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes ; de la série à succès n°1 Los Angeles TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes ; de la série de fantaisie épique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes ; de la série d’épopées fantastiques DE COURONNES ET DE GLOIRE, comprenant huit tomes ; de la nouvelle série de fantaisie épique UN TRÔNE POUR DES SŒURS, comprenant huit tomes pour l’instant ; de la nouvelle série de science-fiction LES CHRONIQUES DE L’INVASION, comprenant quatre tomes ; et de la nouvelle série fantastique OLIVER BLUE ET L’ÉCOLE DES VOYANTS, qui comprend trois tomes pour l’instant. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont été traduits dans plus de 25 langues.

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SГ©lection de Critiques pour Morgan Rice



« Si vous pensiez qu’il n’y avait plus aucune raison de vivre après la fin de la série de L’ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE RÉVEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imaginé ce qui promet d’être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page … Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites. »

— Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



« Une fantasy pleine d’action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L’Héritage par Christopher Paolini … Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. »

— The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons)



« Une histoire du genre fantastique entraînante qui mêle des éléments de mystère et de complot à son intrigue. La Quête des Héros raconte la naissance du courage et la réalisation d’une raison d’être qui mène à la croissance, la maturité et l’excellence … Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l’action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l’évolution de Thor d’un enfant rêveur à un jeune adulte confronté à d’insurmontables défis de survie … Ce n’est que le début de ce qui promet d’être une série pour jeune adulte épique. »

— Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres électroniques)



« L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès instantané : intrigues, contre-intrigues, mystères, vaillants chevaliers et des relations en plein épanouissement pleines de cœurs brisés, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les âges. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs de fantasy. »

— Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



« Dans ce premier livre bourré d’action de la série de fantasy épique L’Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice présente aux lecteurs Thorgrin �Thor’ McLéod, 14 ans, dont le rêve est de rejoindre la Légion d’argent, des chevaliers d’élite qui servent le roi … L’écriture de Rice est solide et le préambule intrigant. »

— Publishers Weekly


Livres par Morgan Rice



OLIVER BLUE ET L’ÉCOLE DES VOYANTS

L’USINE MAGIQUE (Tome 1)

L’ASTRE DE KANDRA (Tome 2)

LES OBSIDIENNES (Tome 3)

LE SCEPTRE DE FEU (Tome 4)



LES CHRONIQUES DE L’INVASION

ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome 1)

ARRIVÉE (Tome 2)

ASCENSION (Tome 3)

RETOUR (Tome 4)



LA VOIE DE L’ACIER

SEULS LES BRAVES (Tome 1)



UN TRГ”NE POUR DES SЕ’URS

UN TRГ”NE POUR DES SЕ’URS (Tome 1)

UNE COUR DE VOLEURS (Tome 2)

UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome 3)

UN CHANT FUNГ€BRE POUR DES PRINCES (Tome 4)

UN JOYAU POUR LA COUR (Tome 5)

UN BAISER POUR DES REINES (Tome 6)

UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome 7)

UNE ÉTREINTE POUR DES HÉRITIÈRES (Tome 8)



DE COURONNES ET DE GLOIRE

ESCLAVE, GUERRIГ€RE, REINE (Tome 1)

CANAILLE, PRISONNIГ€RE, PRINCESSE (Tome 2)

CHEVALIER, HÉRITIER, PRINCE (Tome 3)

REBELLE, PION, ROI (Tome 4)

SOLDAT, FRГ€RE, SORCIER (Tome 5)

HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE (Tome 6)

SOUVERAIN, RIVALE, EXILÉE (Tome 7)

VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome 8)



ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome 2)

LE POIDS DE L’HONNEUR (Tome 3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome 4)

UN ROYAUME D’OMBRES (Tome 5)

LA NUIT DES BRAVES (Tome 6)



L’ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)

UN CRI D’HONNEUR (Tome 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)

UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome 6)

UN RITE D’ÉPÉES (Tome 7)

UNE CONCESSION D’ARMES (Tome 8)

UN CIEL DE CHARMES (Tome 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)

LE RÈGNE DE L’ACIER (Tome 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome 12)

LE RГ€GNE DES REINES (Tome 13)

LE SERMENT DES FRГ€RES (Tome 14)

UN RГЉVE DE MORTELS (Tome 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)

LE DON DE LA BATAILLE (Tome 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARГ€NE UN : ESCLAVAGISTES (Tome 1)

ARГ€NE DEUX (Tome 2)

ARГ€NE TROIS (Tome 3)



LES VAMPIRES DÉCHUS

AVANT L’AUBE (Tome 1)



SOUVENIRS D’UNE VAMPIRE

TRANSFORMÉE (Tome 1)

AIMÉE (Tome 2)

TRAHIE (Tome 3)

PRÉDESTINÉE (Tome 4)

DÉSIRÉE (Tome 5)

FIANCÉE (Tome 6)

VOUÉE (Tome 7)

TROUVÉE (Tome 8)

RENÉE (Tome 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome 10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome 11)

OBSESSION (Tome 12)


Copyright В© 2018 par Morgan Rice

Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi états-unienne sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur.



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Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n’est que pure coïncidence.



Copyright de l’image de couverture : Sergey Nivens. Cette image est utilisée en vertu d’une licence accordée par Shutterstock.com.


SOMMAIRE



CHAPITRE PREMIER (#udcc54a3a-3668-5ca1-9f26-7c420449147a)

CHAPITRE DEUX (#u2940174e-d07e-5a8f-93c0-1668c819d030)

CHAPITRE TROIS (#u80bcf15c-f1a1-5cba-946e-73e15c313df8)

CHAPITRE QUATRE (#ua16df296-57ae-577f-b76e-2d65f83d4c60)

CHAPITRE CINQ (#udafda3c3-6f6c-5fa3-af07-221347481d2b)

CHAPITRE SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo)




CHAPITRE PREMIER


Kevin resta si longtemps dans l’obscurité qui l’entourait qu’il fut convaincu qu’il était mort. D’une façon ou d’une autre, ça lui convenait. Tout le monde lui avait dit qu’il ne lui restait plus longtemps à vivre, de toute façon, et ensuite, il s’était retrouvé dans ce vaisseau spatial qui dérivait dans le vide et dont l’air s’échappait petit à petit. Après tous ces événements, n’était-il pas inévitable que la fin soit proche ?

— Kevin, appela la voix de Chloe d’une partie de l’espace située au-delà de cette obscurité, ouvre les yeux.

— Va-t’en. Je suis mort, marmonna Kevin.

Effectivement, une partie de lui-même voulait seulement se rendormir. Il voulait se laisser aller et se détendre, laisser l’obscurité tout engloutir. Il était tellement à l’aise que … Quelque chose lui pinça le bras et il grimaça.

— Aïe !

Quand il ouvrit brusquement les yeux, il vit une pièce qui n’était absolument pas dans le vaisseau dans lequel ils avaient dérivé sans espoir de survivre. Ce n’était pas le vaisseau qu’ils avaient volé à la Ruche et où ils mouraient lentement après avoir été touchés par le vaisseau des Ilariens qui avait cherché ainsi à venger la destruction de leur monde. Ici, il y avait plus d’espace que dans le vaisseau qu’ils avaient dérobé, et il ressemblait presque à …

— C’est un hôpital, devina Kevin.

Il savait à quoi ressemblaient les hôpitaux, maintenant. Il avait passé tant de temps dans des hôpitaux, des laboratoires et d’autres endroits similaires qu’il lui était impossible de ne pas en reconnaître un, même si celui-ci ressemblait à un hôpital extra-terrestre, équipé d’appareils qui ne ressemblaient à aucun de ceux auxquels il était habitué.

— Ah, tu es réveillé, dit Chloe de l’endroit où elle se tenait, à côté du lit de Kevin.

Elle avait l’air légèrement satisfaite des efforts qu’elle avait déployés pour le réveiller et elle souriait d’une façon qui suggérait qu’elle serait très heureuse qu’on lui donne l’occasion de le refaire.

— Tu m’as fait mal, gémit Kevin.

Soudain, pensant à quelqu’un d’autre que lui-même, il demanda :

— Tu es blessée ? Est-ce que tu vas bien ?

— Je vais bien, lui assura Chloe sur un ton maintenant sérieux. Quand ils nous ont emmenés ici, ils ont guéri les bleus les plus graves.

Kevin inspecta quand même son propre corps pour en être sûr et se demanda avec inquiétude si Chloe avait vraiment mal et essayait de le cacher. Quelqu’un avait donné à Chloe une sorte d’uniforme argenté à porter à la place de ses vêtements habituels. Cet uniforme faisait un peu penser aux écailles argentées d’un poisson, car il reflétait la lumière de plusieurs façons quand Chloe bougeait. Quand Kevin baissa les yeux, il vit qu’il portait la même chose.

— Et toi ? demanda Chloe avec une préoccupation visible. Est-ce que tu es blessé ?

— Non, dit Kevin, je ne crois pas.

Il ne se sentait vraiment pas en pire état que d’habitude, ou du moins qu’avant le jour où la Ruche avait choisi de l’accueillir parmi ses membres. Il ressentait des douleurs partout dans le corps et des vertiges menaçaient de monter en lui quand il bougeait trop vite, mais il connaissait ces sensations. Elles étaient si familières que, à ce stade, elles étaient presque comme de vieilles amies. Il n’avait pas l’impression que des douleurs plus violentes comme celle d’un os cassé venaient s’y ajouter.

Chloe avança et le serra fort.

— Je suis vraiment heureuse que tu ailles bien.

Kevin la tint contre lui, alors qu’il n’avait pas l’impression de le mériter à ce moment-là. S’ils en étaient arrivés là, c’était par sa faute. S’il n’avait pas été là, Chloe n’aurait pas été enfermée dans une cellule et soumise à des expériences. Elle n’aurait pas cette chose étrange et apparemment vivante attachée au bras, serrée comme une deuxième peau et dont la surface osseuse et insectoïde paraissait complètement déplacée sur sa peau lisse.

L’espace d’un instant, Kevin fut si content que Chloe aille bien qu’il en oublia la troisième personne, qui manquait à l’appel.

— Où est Ro ? demanda-t-il en cherchant l’ex-membre de la Ruche aux alentours. Est-ce qu’il —

— Vous êtes réveillé ? C’est bien, dit une nouvelle voix.

Kevin se tourna vers le son. Une porte s’était ouverte et Kevin vit une femme ilarienne à la peau bleue vêtue d’un uniforme sombre avec des insignes militaires. Il se souvint de la liaison vidéo que les membres de la Ruche avaient établie avec les Ilariens pour essayer de les duper tous et reconnut la générale s’Lara. Ce souvenir l’assura que tout cela devait être un rêve horrible.

— Générale, c’est vous qui nous avez sauvés ? dit Kevin. Mais je … j’ai essayé de vous duper. Cela dit, j’ai fait encore pire. J’ai … j’ai aidé à détruire votre planète.

Il vit de la colère sur le visage de la générale et, quand il repensa à tout ce qu’il avait fait, la culpabilité l’envahit.

— Vous avez aussi aidé à nous avertir, dit-elle. Donc, vous méritez quelque considération de notre part et … eh bien, nous ne voulons pas abandonner des gens qui sont dans le besoin. Nous ne sommes pas comme la Ruche.

— C’est …

Kevin ne trouvait pas les mots.

— Merci.

— Ne me remerciez pas encore, dit la générale s’Lara, qui leva les yeux et sembla écouter une chose qu’elle était la seule à pouvoir entendre. Mon IA me dit que les autres sont prêts à statuer sur votre sort, aussi bien pour vous deux que pour ce soi-disant �Plus Pur’ que vous avez emmené. Suivez-moi, je vous prie.

— Kevin est encore faible, protesta Chloe. Il a besoin de repos.

— Il pourra se reposer aussi longtemps qu’il voudra quand le procès sera terminé. Pour l’instant, suivez-moi, vous deux.

La générale avait visiblement l’habitude que l’on obéisse à ses ordres et elle s’en allait déjà sans vérifier si Kevin et Chloe lui obéissaient.

Kevin se tourna vers Chloe, qui haussa les épaules. Ils savaient qu’ils n’avaient pas vraiment le choix. Ils se dépêchèrent de rejoindre la générale hors de la chambre d’hôpital puis la suivirent dans des couloirs sinueux dont les murs affichaient des images brillantes qui donnaient l’illusion de grands espaces dégagés. Çà et là, Kevin et Chloe passèrent des fenêtres qui donnaient sur l’espace.

— Nous sommes sur un vaisseau, n’est-ce pas ? devina Kevin.

Ce vaisseau-là ne lui donnait pas les mêmes sensations que ceux de la Ruche. Il n’avait pas la stabilité parfaite de ceux qui agissaient sur la pesanteur, mais c’était quand même un vaisseau spatial.

— C’est le navire amiral de la flotte de secours, dit la générale s’Lara. Mon IA y est intégrée.

— Donc, chaque centimètre carré de ce vaisseau est … vous ? demanda Chloe.

— On peut le voir comme ça, répondit la générale. Mon IA se connectera aux autres pour votre procès.

— Comme dans la Ruche ? demanda Kevin, qui comprit immédiatement qu’il n’aurait pas dû dire ça quand il vit l’expression de la générale.

— Nous n’avons rien en commun avec la Ruche, dit sèchement la générale s’Lara. Ses membres envahissent des mondes, les détruisent, réduisent en esclavage les gens qu’ils intègrent ainsi que les autres membres de la Ruche. Les souffrances, les choix des autres n’ont aucune signification pour les membres de la Ruche. Nous communiquons avec nos IA, mais nous choisissons quand même ce que nous faisons et nous ne cherchons pas à conquérir. Nous vivions derrière des boucliers parce que nous ne voulions pas massacrer d’autres peuples, même si cela nous coûtait des mondes.

Kevin sentit une autre vague de culpabilité monter en lui à cette idée. C’était lui qui avait aidé à désactiver ces boucliers et à rendre leur planète vulnérable à ce qui lui était arrivé ensuite. C’était lui qui avait aidé la Ruche à détruire le monde des Ilariens et à conquérir le sien. Pourtant, à sa grande surprise, Chloe fut plus directe.

— Vous auriez pu les affronter et vous ne l’avez pas fait ? dit-elle. Vous vous êtes cachés alors que vous auriez pu les arrêter ?

— Chloe — commença Kevin, mais Chloe ne semblait pas avoir terminé.

— Non, Kevin, dit-elle. Si elle dit qu’ils auraient pu en faire plus, qu’ils auraient pu vaincre la Ruche avant qu’elle n’atteigne la Terre, alors, ils auraient pu nous épargner tout ça. Ils auraient pu nous sauver.

— Nous n’avons même pas pu nous sauver nous-mêmes, dit la générale s’Lara d’un air maintenant affligé. Nous n’avons pas ce qu’il faut pour arrêter la Ruche. Nous pouvons tuer ses membres, nous avons la technologie qu’il faut pour vaincre ses vaisseaux, mais ils sont toujours plus nombreux.

Elle sembla Г  nouveau Г©couter quelque chose.

— Non, je sais. De toute façon, nous sommes arrivés.

Elle montra des portes à Kevin et Chloe, qui entrèrent alors dans un grand espace rempli de gens. Comme dans les couloirs, les murs étaient couverts d’images, mais celles-ci paraissaient plus abstraites et Kevin voyait les motifs qui les parcouraient. D’une façon ou d’une autre, il comprit que cela représentait les IA qui communiquaient les unes avec les autres.

Ro se tenait sur un cercle dégagé élevé au-dessus du reste. Kevin se dépêcha de rejoindre l’extra-terrestre, désirant s’assurer qu’il allait bien, mais Chloe fut encore plus rapide et le prit dans ses bras. Les gens présents dans la salle les regardèrent avec stupéfaction. Kevin en voyait tellement, aussi bien des Ilariens que d’autres extra-terrestres qui s’étaient réfugiés auprès d’eux, qu’il avait du mal à les différencier. Cependant, il savait quand même qu’ils les scrutaient tous les trois pour essayer de se faire une opinion sans jamais détourner le regard.

— Ro, tu vas bien ? demanda-t-il.

Son ami n’avait pas l’air blessé mais, malgré tout, il paraissait secoué.

— Je ne sais pas, admit l’extra-terrestre. Je ressens tant d’émotions, comme la culpabilité, la peur et … comment arrivez-vous à supporter ça ?

Kevin posa une main sur l’épaule de l’extra-terrestre. Chloe passa un bras autour de lui.

— Nous y arrivons tout le temps, lui promit Chloe.

— Ces trois personnes ont été sauvées sur un vaisseau en détresse, dit la générale s’Lara, qui s’adressait visiblement à l’assemblée. Vous voyez que l’un d’eux est un des �Plus Purs’ de la Ruche, que le garçon est celui qui les a aidés à envahir notre monde et que la fille a été transformée en une de leurs créations.

Kevin détesta ces descriptions de lui-même et de ses amis. Cependant, le pire était qu’il ne pouvait nier ce que la générale disait sur lui.

— Nous sommes en route vers un autre avant-poste, dit la générale s’Lara. Le vaisseau me dit que notre flotte est suivie, ce qui fait que nous devons décider ce que nous allons faire de nos nouveaux invités. Pouvons-nous prendre le risque de les avoir à bord ? Est-ce que leur présence nous met encore plus en danger ? Sont-ils ce qu’ils semblent être ? Certains d’entre vous souhaitent-ils prendre la parole en ce qui concerne le premier, la fille ?

Un tourbillon d’images et de lettres s’afficha sur les murs pendant que les IA communiquaient entre elles. Kevin avait l’impression que, s’il se concentrait, il pouvait capter l’essentiel de leurs conversations. En effet, le même talent qui lui avait permis de traduire tous leurs autres signaux lui permettait de les comprendre maintenant …

… pas coupable de tout cela …

… une victime, pas un ennemi …

… mais l’appareil sur son bras …

Deux individus se levГЁrent.

— Il a été décidé que je parlerais pour elle, dit un homme. Il nous semble qu’elle a été captive de la Ruche, leur victime, pas une de ses membres. Nous devrions la protéger en tant que réfugiée.

Une femme se leva.

— Il a été décidé que je parlerais contre elle, dit-elle. Bien que nous soyons sensibles à sa détresse, nous ne savons pas ce que les extra-terrestres lui ont fait. L’appareil qu’elle a au bras pourrait être dangereux, parce que la Ruche ne fabrique que des choses dangereuses. Nous devrions l’enfermer ou la détruire pour protéger les autres.

La générale s’Lara adressa un signe de la tête à Chloe.

— Avez-vous quelque chose à dire ?

— Que voulez-vous que je dise ? répondit sèchement Chloe.

Kevin voyait qu’elle était près de perdre patience et que c’était probablement parce qu’elle avait très peur.

— Si vous ne voulez pas parler, je vais le faire, dit la générale. Nous ne sommes pas des gens qui tuent ceux qui pourraient constituer un danger. Chloe, que vous voyez ici devant vous, est autant une des nôtres que tous ceux qui sont venus chercher de l’aide auprès des Ilariens. Je considère que nous devrions l’accueillir parmi nous et que, peut-être, un jour, nous pourrons effacer ce qu’on lui a fait. Est-ce que d’autres personnes souhaitent intervenir ? Non ? Dans ce cas, nous allons parler des autres.

Kevin sentit le regard de la gГ©nГ©rale se poser sur lui, puis sur Ro.

— Le cas des deux autres est plus complexe, dit-elle. Le premier nous a avertis de l’imminence de l’attaque et nous a aidés, mais c’est aussi lui qui a désactivé nos boucliers. L’autre fait partie des Plus Purs de la Ruche, et il est donc notre ennemi. Je sais que notre peuple est pacifique, mais j’ai du mal à ressentir autre chose que de la colère dans une telle situation.

Kevin regarda les murs. Maintenant, les signes se propageaient moins comme des lucioles et plus comme des abeilles en colГЁre. Les dГ©bats paraissaient beaucoup plus complexes et, cette fois-ci, le talent de Kevin ne lui permit de traduire que de courts extraits et il ne put pas suivre complГЁtement la discussion.

… où commence la responsabilité …

… où finit-elle …

… S’il est l’un d’eux, nous savons qui il est …

… a détruit un monde entier !

Kevin était tellement occupé à essayer de comprendre les débats qu’il faillit rater le moment où la première personne se leva.

— Je parle pour le garçon, dit une femme d’un ton doux. Je considère que, bien qu’il ait fait un grand mal, il ne l’a fait que sous le contrôle de la Ruche. Quand il a été libéré, il a cherché à nous aider. Il nous a avertis. Il s’est évadé. Nous ne devrions pas punir ces efforts. Nous devrions l’accueillir parmi nous comme son amie.

— Je suis contre, dit un homme. Même si tout cela est vrai, il a fait partie de la Ruche. Les membres de la Ruche ont tué plus de gens que nous n’aurions pu en compter sans nos IA et il les a aidés. Suis-je supposé le regarder vivre en liberté alors que nos proches ne peuvent plus le faire parce qu’ils sont morts ? Allons-nous pardonner l’impardonnable ?

— Je parle pour le Plus Pur, dit un homme âgé. Les Plus Purs font partie d’une communauté et il s’en est libéré. Il a été déformé par ceux qui l’entouraient, mais il n’est plus cette créature servile. S’il a eu le courage de se libérer de la Ruche, nous devrions l’en féliciter, pas l’en accuser.

— Personne n’échappe à la Ruche, répondit sèchement un autre des Ilariens, dont la colère était palpable. On voit bien que c’est une sorte de mauvais tour. La Ruche a déjà tenté de nous duper. Elle a désactivé nos boucliers. Elle a assassiné notre peuple. Elle a détruit notre monde. Cette chose y a participé, tout comme le garçon ! Nous devrions la détruire avant qu’elle ne fasse encore plus de mal.

Kevin entendait les émotions qui émanaient de ce discours, complètement à l’opposé du mode de fonctionnement de la Ruche. Les Plus Purs auraient pris leurs décisions d’une manière purement rationnelle, tandis que cette approche-là lui paraissait d’une façon ou d’une autre plus réelle.

— Souhaitez-vous défendre votre cause ? dit la générale s’Lara en se tournant vers Kevin et Ro.

Kevin savait qu’il aurait dû, mais il ne savait pas quoi dire. La culpabilité qu’il ressentait encore semblait tout recouvrir, enterrer toute parole. Il savait qu’il fallait qu’il essaie mais, en vérité, il ne voulait pas essayer dans l’immédiat.

— Je ne veux pas parler pour moi-même, dit-il en secouant la tête. Je ne le mérite pas et, en vérité … je suis mourant quoi qu’il arrive. Ce que vous me ferez m’importe peu du moment que vous épargnez les autres.

Quand il s’entendit tenir ces propos, il en fut presque choqué, mais c’était la vérité. Il tenait beaucoup plus à la survie de Ro et de Chloe qu’à la sienne.

— J’ai aidé à détruire un monde. Je ne mérite … je ne mérite rien, mais Ro s’est enfui de la Ruche. Cela mérite considération.

Ro secoua la tГЄte.

— J’ai … j’ai peur, je l’admets, mais je ne nierai pas ce que j’ai fait. J’ai commis horreur après horreur. J’ai commis des actes atroces quand j’étais Plus Pur. Cependant, maintenant, je ne suis plus cette personne. Je suis impur. C’est Kevin que vous devriez épargner. Nous l’avons intégré à la Ruche contre sa volonté. Il n’a pas eu le choix.

— Il y a toujours un choix ! cria l’homme qui avait parlé contre Ro de quelque part à l’arrière de la salle.

Kevin ne savait pas quoi répondre à cela. Cependant, il semblait que Chloe le sache parce qu’elle cria plus fort que tout le monde en regardant l’homme qui avait parlé droit dans les yeux.

— Vous imaginez que Kevin a choisi de se faire capturer par les extra-terrestres ? demanda-t-elle sur un ton qui aurait suffi à en faire reculer plus d’un. Vous croyez qu’il contrôlait tout ? Ils l’ont poussé à accepter de me torturer de toutes sortes de manières et, malgré tout, je ne lui en veux pas parce qu’il n’était pas lui-même. C’était lui sans émotions, sans compassion et, si vous n’avez pas de compassion, vous ne valez pas mieux que la Ruche !

Elle prit le temps de regarder les extra-terrestres et, l’espace d’un instant, Kevin crut qu’elle avait terminé, mais elle continua en pointant un doigt vers ceux qui les entouraient.

— Vous prenez royalement des décisions sur nous, mais vous n’avez même pas essayé de nous comprendre. Kevin … a parcouru tout notre pays pour essayer de sauver notre monde. Il est parti dans l’espace parce qu’il essayait d’arrêter la Ruche. Ils ne l’ont capturé que parce qu’il essayait de les arrêter. Quant à Ro, il s’est révolté contre tout ce qu’il a jamais connu. Il est la preuve qu’il est possible de briser le contrôle de la Ruche, et vous, vous voulez … quoi, le tuer ? Il faudra me passer sur le corps pour le faire !

Elle leur adressa un regard furieux et la générale s’Lara leva une main pour demander le silence.

— Je ne m’exprimerai pas sur ce sujet, dit-elle. Mes propres idées sont trop partagées. La logique exige une chose et l’émotion une autre. Pourtant, j’aimerais poser la question suivante : sommes-nous des êtres de logique pure ? Sommes-nous comme eux ? Je ne sais pas. Il est temps que nous nous décidions.

Elle baissa la tête et, au-dessus d’eux, Kevin vit des lumières dansantes s’agiter pendant que les IA parlaient et débattaient, confrontant probablement les sentiments des Ilariens à leur besoin de logique. Pour Kevin, ces lumières ressemblaient à des essaims d’abeilles furieuses qui volaient çà et là, bougeaient, se séparaient puis formaient de nouvelles combinaisons à mesure que progressait le débat qui les opposait les unes aux autres.

De lГ  oГ№ il se tenait, Kevin ne pouvait nullement comprendre quelle direction le dГ©bat prenait. Quand il essayait, il en entendait de brefs extraits, mais il y avait tant de fragments diffГ©rents que mГЄme lui ne pouvait pas en dГ©duire oГ№ allait la discussion.

Finalement, quelque chose sembla se produire. Kevin eut la sensation que les IA bougeaient, formaient des piles, des groupes qui prenaient leur décision finale. Deux blocs, un rouge et un bleu, apparurent sur la surface qui s’étendait autour du bord de la salle. Les groupes semblaient équivalents, si équivalents que Kevin ne pouvait pas les compter et ne comprenait pas lequel était le plus gros. Il voyait des IA qui tournaient encore autour en réévaluant les faits ou en discutant de ces faits avec les IA auxquelles elles étaient connectées. Cependant, lentement, le compte final et les groupes se stabilisèrent.

MГЄme Г  ce moment-lГ , Kevin ne savait pas quel allait ГЄtre le rГ©sultat.




CHAPITRE DEUX


Par une des fenêtres du vaisseau, Kevin regardait l’espace qui défilait à toute vitesse, étendu et incurvé pour permettre au vaisseau de le traverser grâce à ses boucliers. Kevin, Ro et Chloe étaient assis ensemble dans une pièce ouverte, spacieuse et presque vide. À sa grande surprise, la générale s’Lara y était elle aussi.

Kevin se souvint du moment où, après le procès, la générale s’Lara avait posé une main sur son épaule.

— Nous avons pris notre décision. Il semble … il semble que vous aurez tous le droit de rester parmi nous. Nous allons vous emmener dans notre avant-poste et, ensemble, nous allons chercher un moyen d’arrêter la Ruche. J’espère simplement que nous le trouverons.

Kevin était stupéfait qu’ils aient frôlé la mort de si près. Mettant fin à ses ruminations, il regarda autour de lui.

— Ne faut-il pas … je ne sais pas, dit-il, que vous vous occupiez du vaisseau ?

— Comme si mon vaisseau allait accepter que je lui dise quoi faire ! dit la générale. Nous travaillons avec nos IA. Nous ne les réduisons pas en esclavage. Seule la Ruche le ferait.

— Kevin et Ro ne font pas partie de la Ruche, dit Chloe avec peut-être un peu trop de véhémence.

— Je n’ai jamais dit qu’ils en faisaient partie, dit la générale s’Lara, qui semblait pourtant observer Kevin et Ro avec grande vigilance.

Kevin pensa qu’il comprenait où la générale voulait en venir.

— Vous essayez d’en apprendre plus sur la Ruche, n’est-ce pas ?

La générale hésita et écouta de la manière qui indiquait qu’elle était à nouveau en communication avec son IA.

— Oui, admit-elle. Vous et le Plus Pur, je veux dire, vous et Ro, vous en avez fait partie. Vous avez eu accès à tout ce qu’est la Ruche. Vous pouvez nous aider à mieux la comprendre. Vous pourriez peut-être même nous aider à la vaincre.

— Je ne suis pas sûr que ce soit possible, dit Ro, Je suis désolé. Je me sens … désespéré.

— Mais vous avez réussi à vous échapper, dit la générale s’Lara.

— Avec l’aide de Chloe, répondit Ro.

Kevin hocha la tête. Sans Chloe, aucun d’eux n’aurait réussi à s’échapper.

— Cependant, je veux quand même savoir tout ce que vous pourrez nous dire, dit la générale. Que ressent-on quand on fait partie de la Ruche ?

Kevin n’était pas sûr d’avoir les mots pour l’expliquer, mais il voulait quand même essayer.

— C’est comme … il y a ce réseau de connexions et chaque connexion est vivante. C’est faire partie de quelque chose de plus grand et sentir que rien ne compte mis à part cette entité.

— C’est beau, ajouta Ro, mais nous n’avons aucun moyen de ressentir cette beauté. Nous ne ressentons rien. Nous n’avons ni conscience ni bonheur. La Ruche est tout.

— Dans ce cas, cela signifie qu’elle exclut la négociation, dit la générale s’Lara. Cependant, il y aura peut-être quelque chose. Nous arriverons bientôt.

— Où ? demanda Kevin, qui n’avait aucune idée de leur destination et n’avait même pas songé qu’il fallait bien qu’ils aillent quelque part.

La générale fit un geste. Un des murs bougea et afficha l’image d’une planète. Elle paraissait petite sur l’écran, mais elle formait un point de couleur lumineux dans une partie autrement blanche et noire de l’espace. La planète était en grande partie verte et cela semblait étrange par rapport à la couleur bleue de la Terre.

— Voici Xarath, dit la générale en guise d’explication. La plus grande partie de son eau est souterraine, mais sa végétation pousse à la surface. Nous y avons une petite base. Elle n’a pas été prévue pour nous accueillir tous, mais nous devrons nous y habituer. On m’a dit qu’elle était belle.

— Dans combien de temps l’atteindrons-nous ? demanda Kevin, qui n’avait aucune idée de la vitesse à laquelle le vaisseau se déplaçait et se demandait s’il était aussi rapide que ceux de la Ruche ou plus.

— Dans quelques minutes. Cela fait un moment que nous plions l’espace pour nous rapprocher mais, si nous avons pris du retard, c’est surtout pour essayer de semer les forces de la Ruche qui nous poursuivent. Il va falloir que nous soyons parmi les premiers à atterrir sur la planète. Venez avec moi. Nous devons prendre un des vaisseaux d’atterrissage.

La générale les emmena une nouvelle fois dans les méandres du vaisseau. Quand ils passaient, certains se retournaient pour les regarder et, même si certains d’entre eux semblaient attendre des ordres de la générale, d’autres fixaient vraiment Kevin, Chloe et Ro du regard et ils n’avaient pas tous l’air d’avoir de bonnes intentions.

— On dirait que tout le monde n’a pas accepté le résultat du procès, dit Chloe.

Elle donnait l’impression à Kevin d’être prête à se battre contre tous ceux qui les regardaient trop longtemps ou de façon inappropriée. Il voyait sa main augmentée se serrer comme pour frapper quelqu’un.

— Les gens ont le droit de ne pas être d’accord, dit la générale s’Lara. Nous ne sommes pas la Ruche, où tout le monde doit obéir. Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent, mais nous avons pris une décision avec autant d’honnêteté que nous avons pu et je ne pense pas que cela créera des révoltes.

Kevin la trouva un peu dubitative mais, de toute façon, comment aurait-elle pu être sûre ? Elle avait raison. À moins de contrôler tous les esprits comme dans la Ruche, il ne pouvait y avoir aucune harmonie parfaite. Kevin acceptait que les gens le regardent de travers si cela pouvait leur éviter de vivre sans idées propres, sans décisions personnelles.

Avec ses amis, il suivit la générale jusqu’à un hangar contenant quelques vaisseaux de petite taille qui ressemblaient à des flèches sur le point d’être crachées par la gueule géante du vaisseau. La générale s’Lara les emmena vers un vaisseau en partie noirci par du feu.

— Voilà. C’est mon vaisseau personnel. Je vais vous montrer la planète. Venez.

L’intérieur du vaisseau était plus étrange que l’extérieur. Il semblait avoir été réparé et reconstruit tellement de fois qu’il ne restait presque rien de l’original.

— J’ai travaillé moi-même sur ce vaisseau, dit la générale s’Lara.

Soudain, elle sembla à nouveau écouter quelqu’un d’absent.

— Oui, d’accord. Nous avons travaillé dessus. Installez-vous et on y va.

Il y avait des sièges qui ressemblaient plus à des fauteuils qu’à la sorte de bancs ou de sièges que Kevin se serait attendu à trouver dans un vaisseau militaire. Il lui semblait étrange de bénéficier d’un tel confort dans le vaisseau d’une générale.

— Qu’est-ce que ça fait d’être lié à une intelligence artificielle ? demanda-t-il.

— C’est comme être deux moitiés d’un tout, répondit la générale. Cela permet d’avoir accès à plus d’informations, de réagir plus vite et de comprendre des choses qu’on ne comprendrait jamais sans elle, pendant que, de notre côté, nous fournissons l’émotion et l’intuition. Ça fonctionne.

Kevin essaya de l’imaginer et n’y parvint pas. Ce qu’il connaissait de plus proche était la connexion à la Ruche, et cela n’avait aucun rapport avec ce que la générale s’Lara avait décrit. Cela ressemblait plus à une sorte d’amitié parfaite, comme celle qu’il avait eue avec Luna sur la Terre. L’un avait comblé les lacunes de l’autre et l’un avait immanquablement soutenu l’autre.

Luna lui manquait tellement qu’il en avait mal.

— Tenez bon, dit la générale s’Lara.

Pourtant, quand le petit vaisseau sortit du grand, ce fut sans la moindre secousse. Il se dirigea alors vers la surface de la planГЁte.

Alors qu’ils allaient vers le monde d’au-dessous, Kevin vit la verdure qui les attendait. Elle était si imposante qu’elle semblait tout inclure. Pendant les quelques premières secondes, ce ne fut qu’une marée géante de vert mais, peu à peu, Kevin commença à distinguer différentes nuances et textures dans la masse. Il y avait des zones qui ressemblaient à des prairies ouvertes et beaucoup d’autres qui semblaient être des forêts presque infinies. Il y avait des zones d’un vert foncé qui faisait penser à des pins et d’autres qui évoquaient des palmiers tropicaux.

Quand ils descendirent encore plus, Kevin commença à se faire une idée de la taille des arbres. Beaucoup d’entre eux semblaient être de taille normale, mais il y en avait d’autres qui étaient aussi hauts que des cathédrales et dont la canopée s’étendait si loin qu’elle recouvrait des surfaces de terre immenses et faisait presque oublier le sol qui se trouvait dessous.

— C’est un bel endroit, dit la générale s’Lara. Il y a énormément de vie sur cette planète, mais elle n’a pas été prévue pour nous accueillir. Elle est trop sauvage et, s’il y a trop de membres d’une espèce quelconque, cela déséquilibrera son écosystème.

La générale fit descendre son vaisseau très bas et Kevin aperçut des bâtiments nichés parmi les arbres, si bien cachés que, pendant quelques secondes, il eut du mal à les distinguer du feuillage. Les maisons pendaient comme de grands fruits ou étaient posées en équilibre sur les branches et elles étaient si belles qu’elles auraient pu être une partie naturelle de la forêt.

— Combien de gens avez-vous là-bas ? demanda Kevin.

— Quelques milliers, pas assez pour créer une vraie civilisation, répondit la générale. Même avec tous les gens que nous avons emmenés avec nous … nous ne sommes plus que l’ombre de ce que nous étions.

Des véhicules passaient rapidement d’arbre en arbre, loin au-dessus du sol. D’autres bougeaient lentement au niveau du sol, déguisés par des couleurs qui changeaient en reflétant la lumière.

— Avez-vous des armes, ici ? demanda Kevin, qui espérait vraiment qu’ils auraient quelque chose susceptible de détruire la Ruche.

— Quelques-unes, dit la générale s’Lara. Nous aimons pouvoir défendre les endroits où nous avons des bases, mais notre défense principale est le secret. Cet endroit a toujours été conçu pour rester caché.

— Pourtant, nous y allons maintenant, signala Chloe.

— Nous n’avons plus le choix, dit la générale s’Lara. Nous manquons de gens, d’endroits, de tout sauf de ça. Nous nous cacherons ici aussi longtemps que possible.

— Et si la Ruche nous trouve ? demanda Kevin.

La générale s’Lara secoua la tête.

— Nous l’avons semée quand nous avons commencé à courber l’espace. À cette vitesse, même eux ne pourraient jamais nous suivre, ou alors, vous savez une chose que nous ignorons.

Même si la générale ne semblait pas soupçonner Kevin de quoi que ce soit, l’intéressé eut la sensation qu’on ne lui faisait pas entièrement confiance. Il se tourna vers Ro, qui secoua la tête.

— La Ruche a volé beaucoup de technologies, mais elle ne peut pas repérer les Ilariens. C’est pour cela que les Plus Purs ont requis tes services pour pister leurs signaux. Sans toi …

— Sans moi, ils n’auraient jamais été capables de détruire le monde où les Ilariens s’étaient réfugiés, dit Kevin.

La générale s’Lara secoua la tête.

— D’autres personnes tenteront de vous le reprocher, Kevin, mais pas moi. On vous a contrôlé et nous sommes maintenant en sécurité.

Ils avancèrent entre les arbres. Des vaisseaux se faufilaient entre les troncs et atterrissaient sur de grandes plates-formes qui dépassaient du côté des bâtiments situés entre les arbres. D’aussi près, Kevin voyait qu’il y avait toute une ville à cet endroit.

Le vaisseau atterrit et ils en sortirent. À l’intérieur du vaisseau, entre les parois, il n’y avait pas eu de sensation d’espace mais, maintenant, Kevin voyait à quelle hauteur la plate-forme était. Elle était si haut que l’air lui semblait raréfié, lui donnait mal à la tête et le faisait trébucher. Son cerveau semblait dérouté par cette hauteur surprenante.

— Venez, dit la générale s’Lara, j’ai annoncé notre arrivée pendant qu’on approchait et il y a des gens qui veulent vous rencontrer. Ils sont impatients de rencontrer des gens qui ont réussi à échapper à la Ruche et ils vous trouvent très spécial, Kevin.

— Eh bien, je me sens exclue, là, dit Chloe, mais elle ne semblait pas vraiment le dire sérieusement.

Kevin posa une main sur son Г©paule.

— Moi, je te trouve spéciale.

— Vous l’êtes, lui assura la générale s’Lara. Si vous permettez à nos scientifiques de tous vous examiner, nous pourrons en apprendre énormément.

Chloe eut l’air inquiète à cette idée.

— J’ai eu ma dose d’examens pour la vie.

— Nous ne vous forcerons pas, dit la générale s’Lara, dont le ton sembla exprimer sa compréhension. C’est à vous d’en décider. Allez, venez. Je vais vous montrer la base.

Kevin trouva l’intérieur aussi impressionnant que l’extérieur. Les couloirs étaient décorés des mêmes paysages incroyables que l’intérieur des vaisseaux. Chaque décor semblait être une toile que les IA des Ilariens pouvaient manipuler. Alors qu’ils passaient, Kevin vit un des extra-terrestres à la peau bleue transformer le mur en une forme étrange de toile abstraite. L’extra-terrestre se tourna vers eux et offrit une sorte de révérence à la générale.

— Oh, arrête, Cler, tu sais que c’est moi qui devrais te faire la révérence, dit la générale.

Ils poursuivirent leur route et la générale commença à expliquer la fonction des bâtiments au fur et à mesure qu’ils les traversaient.

— Théoriquement, les gens prennent les pièces qu’il leur faut pour tout ce qu’ils essaient de faire et les modifient à ces fins, mais il y a aussi des zones communes, dit-elle. Il y a des espaces de vie des deux côtés, dans des capsules qui partent du couloir principal. Ces espaces-ci ont l’air vides. Vous pouvez les occuper.

Était-ce vraiment aussi décontracté ? Il leur fallait une pièce, donc, on leur en donnait une ? La générale les emmena dans un grand espace de vie qui contenait des canapés et des lits le long des murs. L’endroit tout entier était vide et silencieux, mais il ne paraissait pas stérile comme l’Institut qu’avait connu Kevin et il n’avait pas l’opulence millimétrique des tours dorées de la Ruche. En fait, il était confortable et donnait l’impression qu’on pouvait facilement s’y sentir chez soi.

— Donc, on n’a qu’à entrer et prendre une pièce ? demanda-t-il en s’appuyant contre un sofa, saisi par une brève sensation d’épuisement.

— Comment ferait-on, autrement ? demanda la générale, sincèrement étonnée qu’il puisse exister une autre façon de procéder.

Elle dГ©signa une niche dans un mur.

— C’est là que l’on obtient à manger. Comme vous n’avez pas d’IA, ça sera un peu plus lent pour vous, mais vous pourrez quand même demander ce que vous voulez. Laissez-moi vous montrer.

Elle se plaça devant la niche sans dire un mot et un plateau de nourriture apparut comme par magie. Il contenait des fils de bleu qui fumaient, mélangés à ce qui semblait être des baies rouges.

— Mon IA me dit que la laxatha devrait être une nourriture sans danger pour vous. C’est une de mes préférées, dit-elle. Tenez, essayez-la.

Elle la posa devant eux et s’assit à côté d’eux avec une simplicité qui semblait étrange pour une générale. Chloe fut la première à goûter le plat et le mélange de plaisir et d’étonnement qui apparut sur son visage se passa de toute explication.

— C’est … non, ce n’est pas bon, c’est étonnant. Il faut que tu l’essaies, Kevin.

Kevin essaya timidement d’en manger une bouchée et fut étonné par le goût excellent de cette mixture. Il n’avait qu’une question en tête et elle ajoutait une saveur légèrement étrange au repas qu’ils mangeaient.

— Générale s’Lara, dit-il, pourquoi nous servez-vous à manger ?

— Parce que vous êtes nos invités, dit la générale.

— C’est très gentil, mais vous auriez pu le faire faire à quelqu’un d’autre. N’avez-vous pas des réunions et d’autres choses à faire ?

Kevin avait rencontrГ© quelques personnes importantes et il ne pouvait pas les imaginer faire Г§a.

— Pourquoi vous ?

La générale s’Lara hocha la tête.

— J’admets qu’il y a de nombreuses conversations à mener, mais mon IA gère au moins quelques-unes d’entre elles avec d’autres personnes. De plus, être ici avec vous pourrait être une des choses les plus importantes que j’aie à faire.

Pendant un instant, Kevin ne comprit pas ce qu’elle voulait dire puis il fronça légèrement les sourcils quand la lumière se fit dans son esprit.

— À cause de tout ce que nous savons peut-être ?

— Je ne vais pas vous mentir, dit la générale s’Lara. Je pense que vous détenez la clé de ce problème, tous les trois. Nous avons réussi à battre des membres individuels de la Ruche, nous pouvons facilement y arriver quand nous affrontons des effectifs équivalents aux nôtres, mais ils ne sont jamais équivalents pour longtemps. La Ruche a toujours plus de membres et, pire encore, si elle en perd, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Les Plus Purs nous envoient des quantités d’ennemis sans se soucier de les voir mourir ou survivre. Comment peut-on affronter un ennemi qui n’a pas peur de mourir ?

Kevin n’était pas sûr de savoir quoi répondre à cette question. Il s’était servi de la peur de mourir contre les Ilariens quand ils s’étaient battus. Il avait envoyé des vaisseaux contre eux en considérant leur désir de vivre comme une faiblesse à exploiter.

— C’est la plus grande force de la Ruche, dit Ro.

— Le fait que vous la connaissiez et que vous ayez réussi à vous enfuir pourrait nous aider à comprendre comment les battre. En fait, nous pourrions gagner cette guerre.

— Mais nous ne savons rien, dit Kevin.

— Vous ne savez peut-être pas que vous savez, dit la générale. Déjà, que savez-vous sur votre talent ?

Kevin secoua la tГЄte.

— Presque rien. J’entends des signaux et je peux les traduire. Je vois qu’il faut traduire certaines choses et mon cerveau le fait automatiquement.

— Et ça le tue, ajouta Chloe d’un air sombre, rappelant tristement à Kevin l’existence de la bombe à retardement qui s’était réactivée dans son corps.

— Ça vous tue ? Comment ça ? demanda la générale s’Lara.

Kevin commença à répondre et se leva ce faisant. La douleur le frappa presque immédiatement et il se rendit compte que les choses qu’il avait ressenties quand ils avaient atterri avaient dépassé de loin les symptômes de fond qui l’avaient tourmenté depuis qu’il s’était évadé de la Ruche.

Il s’était tellement habitué à ignorer ces symptômes qu’il l’avait même fait quand son corps avait essayé de l’avertir que quelque chose n’allait pas. Maintenant, tous ses symptômes semblaient le frapper en même temps. Il fut accablé par des vertiges, tourna à moitié sur lui-même et tomba à terre par étapes, tendant une main pour se rattraper alors même qu’il commençait à avoir des mouvements convulsifs annonciateurs d’une crise qui semblait lui torturer le corps entier.

La douleur accompagna ces symptômes et entra brusquement dans sa tête en une supernova de souffrance extrême. Il eut alors l’impression que quelque chose se brisait en lui et il aurait crié s’il avait encore pu contrôler sa bouche. Autrefois, quand des signaux lui étaient parvenus brusquement, il avait senti qu’il perdait le contrôle de son corps mais, cette fois-ci, c’était différent. Cette douleur-là ne promettait pas l’arrivée d’un message ou d’une réponse ; la seule promesse qu’elle semblait apporter était l’obscurité qui se trouvait au-delà, qui menaçait de s’élever et de tout engloutir.

Kevin voyait Chloe, Ro et la générale s’Lara à côté de lui. Ils parlaient, car leurs lèvres bougeaient. Chloe semblait lui crier quelque chose, mais il n’entendait rien. Il avait la sensation d’être de l’autre côté d’un rideau et de s’en éloigner toujours plus à chaque seconde.

Il mourait et il n’y pouvait rien.




CHAPITRE TROIS


Luna se réveilla, cligna des yeux dans la lumière et même cela la surprit. Quand elle s’était endormie, elle s’était attendue à tomber dans l’obscurité pour ne plus jamais se réveiller, complètement consumée par les nanobots des extra-terrestres qui prenaient lentement possession de son corps. En fait, elle pouvait encore se souvenir de qui elle était, et de là où elle était, et de toutes les horreurs qui avaient frappé le monde.

Ce ne fut que quand son corps se releva sans qu’elle le lui ait demandé qu’elle se rendit compte que quelque chose n’allait pas.

— Non ! cria-t-elle, mais le cri se limita à un gémissement dès qu’il sortit de ses lèvres, qui refusaient de bouger comme elle le leur avait ordonné ; elles ne lui appartenaient plus, ou pas vraiment, car quelqu’un d’autre tirait les ficelles qui la contrôlaient.

Elle inspecta l’enceinte où ils avaient affronté tant d’humains transformés et d’extra-terrestres et Luna eut la sensation qu’elle n’était pas la seule à regarder aux alentours en ce moment-là. D’autres choses regardaient par ses yeux, prenaient des décisions pour elle, envoyaient des ordres sans se soucier de savoir si elle allait en souffrir.

Luna luttait contre ces ordres aussi fort que possible, mais en vain. Elle n’avait pas plus le contrôle de son propre corps que la dernière fois où elle avait été contrôlée par les extra-terrestres. En fait, elle était comme prisonnière de sa propre chair. Son corps commença à avancer vers les autres, contraint par ses propres muscles. Elle saisit un long éclat de métal aussi tranchant qu’une machette ou un couteau. Si elle se coupa les mains en le faisant, elle ne le remarqua pas.

Luna ne comprenait pas. Avant, les humains transformés s’étaient jetés aveuglément sur les gens et avaient essayé de les convertir. Sans contrôle direct, ils avaient été incapables d’agir. Par contre, maintenant … on aurait dit que quelqu’un se servait d’elle pour quelque chose de beaucoup plus spécifique, de beaucoup plus dangereux.

Elle avança d’un pas raide et ce ne fut qu’à ce moment qu’elle se rendit exactement compte de vers qui elle se dirigeait. Ignatius, l’Ourson, Barnaby et Leon se tenaient devant. C’étaient tous ceux dont les résistants à l’invasion avaient besoin. Les extra-terrestres allaient se servir d’elle pour frapper la résistance en son cœur même, pour tuer les seules personnes qui savaient vraiment comment arrêter ce que les extra-terrestres avaient fait. Si les extra-terrestres pouvaient tuer ces hommes-là, alors, qui saurait vraiment comment fonctionnait le remède ?

Luna essaya de crier pour les avertir, mais en vain. Aucun son ne sortit de ses lèvres et, même s’il suffisait maintenant de la regarder pour voir que ses yeux avaient changé de couleur, personne ne la regardait. Les autres étaient tous trop occupés à essayer de se remettre de l’après-coup de la bataille, à guérir les blessés et à essayer de trouver assez de nourriture pour des gens qui n’avaient ressenti ni soif ni faim pendant des jours ou des semaines.

Alors, Bobby, le chien de berger, accourut, grogna et la mordit.

Luna ne sentit rien parce que, à ce stade, elle ne pouvait plus rien sentir. Elle baissa les yeux vers le chien, recula une jambe pour lui envoyer un coup de pied et comprit qu’elle allait le faire en dépit de tous ses efforts pour l’éviter. Bobby recula habilement en grognant, aussi sûr de lui-même que si elle avait été un loup qui attaquait un troupeau de l’Antiquité. Luna avança vers lui. À présent, elle levait le long éclat de métal.

— Bobby, que fais-tu ? demanda l’Ourson en avançant.

Luna se tourna vers lui, lui envoya un coup avec l’arme qu’elle tenait et réussit à le blesser légèrement alors même qu’il reculait. Elle se souvint de cette force et de cette vitesse, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de l’utiliser pour frapper qui que ce soit. Elle n’avait pas compris que cela la rendait si dangereuse.

— Luna, que se passe-t-il ? demanda l’Ourson en esquivant un autre coup.

Luna le vit la regarder fixement.

— Oh, non. Non !

Luna fonça sur lui et sur les autres avec toute la vitesse de ceux que contrôlaient les extra-terrestres, crachant de la vapeur alors même qu’elle savait que cela serait sans effet sur des gens déjà vaccinés contre ce danger. Un homme se plaça sur sa route et elle l’abattit de son éclat de métal tout en écartant un autre homme de son chemin.

— Elle est transformée ! hurla l’Ourson au-dessus du chaos qui venait de se déclencher.

Alors, il fit l’impensable et prit une arme.

Luna se jetait déjà sur lui. Elle le repoussa et fit si vite tomber l’arme de sa main qu’elle ne put que s’étonner de la vitesse à laquelle elle bougeait.

— Attrapez-la ! hurla Ignatius au-dessus du chaos.

Luna lui envoya un coup, car le besoin d’obéir à la Ruche était plus fort que toute tentative de résistance. En son for intérieur, elle criait, mais, dehors, cela ne produisait qu’un sifflement atone. À ce moment-là, une dizaine d’autres personnes se jetèrent sur elle. Luna en repoussa une en la rejetant avec plus de force qu’elle n’aurait cru avoir et envoya un coup à une autre.

Malgré ses efforts, de plus en plus de gens lui sautaient dessus et, en dépit de toute sa force, toute sa férocité, Luna se retrouva bloquée entre eux. Il y en avait trop à combattre. Elle cracha de la vapeur comme en un espoir futile que cela transformerait certaines de ces créatures, de ces humains … mais, alors même qu’elle le pensait, Luna se reprit. Elle n’était pas ce que les extra-terrestres voulaient qu’elle soit. Il était hors de question qu’elle oublie qui elle était.

— Elle est transformée, dit l’Ourson en secouant la tête. Elle est partie. Luna nous a quittés.

Il tenait à nouveau l’arme et, maintenant, sa main semblait trembler comme s’il avait du mal à se décider. Luna devinait exactement en quoi consistait cette décision et elle la détestait.

— Ne dis pas ça, dit Leon. Elle est peut-être encore là-dedans.

Luna voulait crier qu’elle y était bel et bien. Elle voulait que l’Ourson voie qu’elle était encore là, que … en fait, elle ne savait pas ce qui allait se passer après ça.

Alors, elle vit l’Ourson lever son arme.

— Je sais ce que c’est d’être une de ces choses. Même si Luna est là-dedans, elle n’y restera pas longtemps. Ces créatures te vident de ton identité.

— Mais elle y est maintenant, dit Leon. Nous pouvons encore la sauver. La déflagration —

— La déflagration a converti tous les gens qui étaient aux alentours pendant la bataille, mais elle n’a pas sauvé Luna, dit l’Ourson.

À présent, Luna voyait qu’il avait les larmes aux yeux.

— Elle est partie et, maintenant, il faut que je fasse … il faut que je fasse la seule chose que nous puissions faire.

Luna devinait qu’il pensait que c’était la même situation qu’avec son père, l’Ours, qu’il n’y avait aucune possibilité et qu’il lui épargnait un destin pire que la mort. Pourtant, il pointait une arme sur elle et elle détestait ça. Comment pouvait-il lui faire ça ? Comment pouvait-il penser, ne serait-ce que l’espace d’un instant, que c’était ce qu’il fallait faire ?

— Attends ! hurla Ignatius, la dernière personne que Luna se serait attendue à voir s’interposer entre elle et une arme, car le chimiste et ex-fabricant de drogue était surtout un lâche.

— Sors-toi, répondit sèchement l’Ourson.

— Nous pouvons encore la sauver, insista Ignatius.

— Si elle n’a pas été sauvée lors de la déflagration —

— C’est parce qu’elle se trouvait au centre, dans l’œil du cyclone ! dit Ignatius sans s’écarter alors que Luna se serait attendue à ce qu’il soit le premier à fuir cette sorte de danger. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas la sauver. Il nous faut juste —

— Quoi ? Recréer la déflagration ? demanda l’Ourson, et Luna aurait pu désirer assécher ses larmes, même si elle n’en approuvait pas la raison. Recréer une explosion aléatoire d’énergie extra-terrestre qui atteindrait les cristaux avec exactement la bonne fréquence ? Imagines-tu que je n’ai pas prêté attention à ce que tu as dit, Ignatius ? Si je pensais qu’il y avait une solution …

Il appuya sur la dГ©tente de son arme et Luna vit jaillir la poussiГЁre qui se trouvait devant ses pieds. Le corps contrГґlГ© de Luna ne tressaillit pas et ne rГ©agit mГЄme pas.

— C’était un avertissement, Ignatius, dit l’Ourson et, à présent, Luna entendait la résolution dans sa voix. Sors-toi.

Luna essaya de faire bouger son corps pour qu’Ignatius ne soit pas dans la ligne de feu, mais elle était prisonnière de sa propre chair et immobilisée par les mains de ceux qui la retenaient. Leurs ennemis voulaient ça. Ils voulaient nuire à une majorité de personnes.

— La déflagration nous a permis de détruire les nanobots responsables de la transformation pour des centaines de gens, dit Ignatius, mais nous pouvons encore trouver un remède qui conviendrait à une seule personne à la fois. Il suffirait qu’on le produise.

Luna vit l’Ourson hésiter. Cela semblait être le seul argument susceptible de le faire hésiter.

— Vous pouvez vraiment le faire ? demanda-t-il.

— Pas ici, admit Ignatius. La bataille a fait de gros dégâts, mais il me suffirait d’avoir un labo avec le bon équipement et quelques machines spécifiques.

— Et entre temps, nous devrons tous empêcher Luna de nous tuer ? demanda l’Ourson.

— Nous pouvons construire quelque chose pour la retenir, dit Barnaby.

Il semblait déjà travailler sur cette idée, levant des débris de métal face aux restes d’une remorque de moto comme s’il voyait déjà dans sa tête comment les assembler.

— Mais elle va attirer tous les extra-terrestres à cent kilomètres à la ronde, dit l’Ourson.

Luna savait ce qu’il voulait dire. Les créatures qui la contrôlaient verraient tout par ses yeux. Elles sauraient où envoyer d’autres tueurs.

— Nous allons faire tout ça par nous-mêmes, dit Ignatius. Nous lui devons ça, l’Ourson, et je promets que nous arriverons à la soigner.

L’Ourson resta immobile, mais Luna voyait qu’il avait pris sa décision. Elle aurait peut-être dû se sentir heureuse à l’idée qu’il n’allait pas la tuer, avoir un peu de pitié pour lui à cause des décisions difficiles qu’il avait déjà dû prendre, mais, alors qu’il se tenait là, tout ce qu’elle arrivait à se dire, c’était qu’il avait été sur le point de la tuer. Il avait vraiment été sur le point de la tuer.

— D’accord, dit l’Ourson en reculant, d’accord.

Luna continua à grogner et à essayer de mordre, incapable de se retenir, pendant qu’on la retenait. Elle était tout ce que l’Ourson craignait qu’elle ne soit, mais elle était aussi plus que ça. Elle ne pouvait simplement pas le dire aux gens. Un peu plus loin, Barnaby travaillait sur l’enclos qui devait la détenir. Il ressemblait à une sorte de cage constituée de pièces récupérées dans les décombres de la bataille.

La cage prenait forme lentement, pièce par pièce, construite avec soin. Pourtant, en assistant à sa fabrication, Luna sentait qu’elle se désintégrait peu à peu. Elle sentait des souvenirs s’enfouir dans les profondeurs de son être d’une façon qui lui semblait bien trop familière. La première fois qu’elle avait été transformée, elle avait senti des fragments d’elle-même disparaître quand elle n’y pensait plus, impossibles à saisir, impossibles à retenir, comme des poissons qui lui filaient entre les doigts.

Les souvenirs de ses parents se transformaient en un savoir vague et Luna était incapable de se souvenir d’un seul moment passé avec eux, d’un seul instant passé à rire à la maison, à se disputer sur des corvées ou même à rester assis ensemble pour manger. Luna connaissait les faits de sa vie mais ne pouvait pas se la rappeler. Elle ne pouvait pas vraiment se souvenir de ce que cela avait été d’aller à l’école, de s’asseoir pour regarder la télévision, d’être dehors ou …

Le visage de Kevin lui vint en tête aussi brusquement et aussi parfaitement que si elle avait regardé une photo et Luna se raccrocha à cette image aussi fermement que si elle s’était retenue à un poteau en métal dans un ouragan. Elle refusait de perdre Kevin, refusait de perdre un seul fragment de lui. Elle refusait de perdre les moments qu’elle avait passés avec lui. Ces moments semblaient gravés en elle : elle l’avait accompagné à l’Institut de la NASA, s’était enfuie avec lui dans le bunker pour y échapper à la vapeur et ils avaient tenté de lutter contre les extra-terrestres ensemble.

Ces moments avaient un côté plus brillant, d’une façon ou d’une autre. Dans l’esprit de Luna, ils étaient différents et indélébiles et elle réussissait à se retenir à eux, à se raccrocher à des idées de Kevin et à tout ce qu’elle ressentait pour lui. Ce besoin et cet amour semblaient briller comme un phare dans l’obscurité qui menaçait de l’engloutir.

— Emmenez-la ici, appela Barnaby.

Luna leva les yeux et vit qu’il avait terminé de fabriquer sa cellule de détention. Il avait été si rapide que cela prouvait qu’il était très doué pour fabriquer des appareils. La cage avait l’air peu raffinée, mais le métal était épais et les espaces entre les barreaux étaient assez petits pour que même Luna ne puisse pas s’échapper.

Ils la portèrent vers la cage et son corps se débattit alors que son esprit espérait que la cage serait assez résistante pour la détenir. Elle sentit son pied frapper un homme à la mâchoire puis son coude frapper quelqu’un à l’estomac. Elle sentit qu’elle envoyait des coups assez violents pour donner des bleus ou casser des os, mais cela ne faisait aucune différence. Peu des gens qui la portaient maintenant faisaient partie des Survivants ou, du moins, c’était ce que pensait Luna. En fait, ils avaient l’air dépenaillé des personnes qui avaient été transformées et elles semblaient accepter de l’aider même quand les autres avaient peur.

Elles la soulevèrent et la jetèrent dans la cage. Luna ne sentit rien quand elle atterrit. En fait, elle se releva et fonça sur la porte, mais même sa vitesse débridée ne lui permit pas d’atteindre la porte en métal avant que les Survivants ne la claquent et ne parviennent à la verrouiller.

Luna se jeta contre les barreaux pour en tester la force. Les instructions régulièrement envoyées par la Ruche lui disaient de se libérer et de tuer, de causer autant de dégâts que possible avant qu’ils ne l’abattent, mais le métal ne céda pas sous ses mains, même quand elle s’attaqua aux barreaux avec une telle violence que ses doigts en saignèrent. Elle aurait dû avoir mal mais, comme pour tous les autres transformés, ces événements ressemblaient à un rêve, presque comme s’ils arrivaient à quelqu’un d’autre.

Le seul problème était que, ce quelqu’un d’autre, c’était elle, et qu’elle ressentirait vraiment cette douleur si Ignatius arrivait à la retransformer.

— Où allons-nous traiter ce que nous avons trouvé ? demanda Leon à Ignatius et à Barnaby. Il nous faut un labo, pas vrai ?

Luna essaya de détourner le regard. Elle n’était pas convaincue que les extra-terrestres volaient des connaissances aux Survivants par son intermédiaire, mais elle n’avait aucun moyen d’en être sûre. L’Ourson avait raison sur ce point : elle représentait une menace pour tous les autres à chaque moment où elle pouvait voir et entendre. Elle pouvait attirer des hordes de personnes contrôlées par les extra-terrestres aussi efficacement qu’un phare.

— Il ne faut pas que ce soit n’importe quel labo, dit Ignatius. Nous allons avoir besoin d’équipements spécifiques. L’université les aurait eus mais, suite à l’attaque, je crains qu’ils n’aient été détruits.

— Où, alors ? demanda Leon.

Luna vit Ignatius hausser les épaules et, à ce moment-là, elle comprit que rien n’était certain. Ignatius avait présenté le processus de sa guérison comme si cela avait été une chose très simple mais, visiblement, il ne savait pas vraiment où trouver ce qu’ils cherchaient. Aucun d’eux ne le savait et, d’une façon ou d’une autre, Luna soupçonnait qu’elle ne disposait que d’une petite quantité de temps avant que toute son identité ne disparaisse définitivement. Déjà, elle sentait le poids de l’infection extra-terrestre faire pression sur elle, écraser tout ce qu’elle était. On aurait dit qu’il y avait une main qui refermait lentement ses doigts sur elle en effaçant son passé.

— Il y a des endroits qui ont peut-être ce qu’il nous faut, dit Barnaby en montrant la ville du doigt comme un guide touristique. Il y a des bâtiments industriels par-là et, si nous pouvons trouver une usine chimique, elle aura tout ce qu’il nous faut. Ou alors, nous pouvons aller par-là et fouiller d’autres bâtiments de l’université en espérant que quelque chose ait survécu.

Leon réfléchit l’espace d’un instant. Luna savait ce qu’elle aurait décidé de faire. Elle aurait choisi ce qui était le plus proche, même si c’était le moins susceptible de réussir. Elle voulait qu’ils finissent ce travail le plus vite possible, et pas seulement parce qu’elle ne voulait pas rester comme elle était plus longtemps que nécessaire. Elle savait que, à chaque moment qu’elle était comme ça, elle constituait une menace pour tous les autres.

Cependant, Leon semblait ne pas être d’accord avec elle, car il montrait les usines du doigt.

— C’est là que nous aurons le plus de chances, dit-il aux Survivants qui l’entouraient. Ignatius et Barnaby vous diront exactement ce qu’ils recherchent. Il nous faut le bon équipement pour sauver Luna et les autres transformés que nous trouverons.

Le groupe se rassembla autour d’eux. Ils étaient maintenant si nombreux qu’ils formaient quasiment une armée, même si cela supposait qu’ils aient une sorte de discipline plutôt qu’une volonté commune. Ils avancèrent en direction des usines qui attendaient, à pied parce que le bus scolaire ne pouvait plus les emmener où que ce soit suite à la bataille. Ils emmenèrent Luna sur sa remorque, dont les roues grinçaient à chaque tour et dont la structure rebondissait à chaque irrégularité du sol. Elle avait l’impression d’être un objet dans une exposition, ou peut-être une captive dans une guerre antique, que l’on présentait avant de la tuer.

Je ne vais pas mourir, se dit-elle en essayant de s’en convaincre. Elle se raccrochait à l’idée de revoir Kevin un jour. C’était la seule certitude qu’il lui restait alors que des pans de plus en plus grands de sa mémoire disparaissaient.

Leur procession partit vers les usines et Luna ne put qu’espérer qu’ils y arriveraient à temps avant qu’elle ne perde jusqu’aux parties d’elle-même qui réussissaient à se raccrocher à l’idée de Kevin.




CHAPITRE QUATRE


Kevin traversait des endroits qu’il connaissait, des endroits où il s’était déjà rendu. Il s’y promenait en les combinant de manière absurde, passant de l’un à l’autre aussi facilement qu’il respirait. Il marchait sur le vaisseau-monde de la Ruche où on l’avait emmené et les rues se transformaient jusqu’à devenir les rues de Mountain View, où il avait grandi. Il passa par une porte et se retrouva dans la forêt équatoriale colombienne, entouré de militaires prêts à se battre pour prendre le contrôle de la capsule de la Ruche.

Chaque pas lui emmenait un moment différent qui se transformait si souvent qu’il avait du mal à comprendre où il était. Il passa des moments qu’il avait vécus dans la salle du signal, où il avait déchiffré les messages envoyés à la Terre, au premier instant où il avait vu des gens se transformer en monstres et où il avait compris qu’ils étaient arrivés trop tard pour arrêter l’invasion …

… et à l’instant où le docteur lui avait dit qu’il était mourant.

Alors, Kevin devint vaguement conscient de son corps, même s’il était si loin qu’il semblait flotter au-dessus. Il avait mal à la tête, tellement mal qu’il avait l’impression qu’elle allait exploser. Les tremblements de son corps semblaient tellement le dominer qu’il n’aurait pu se déplacer dans aucun de ces endroits.

Il savait que c’était impossible. Il était en train de rêver, de se souvenir et de mourir.

Personne ne devrait dire à un enfant de treize ans qu’il était mourant. Il se souvint avoir pensé ça au début de cette histoire, dans le bureau du spécialiste. Maintenant, personne ne le lui disait, mais il le savait avec autant de certitude qu’il savait ce qu’était un signal éloigné ou connaissait le son de la voix de Luna.

Il sentait la maladie progresser en lui. Elle avait été mise en pause pendant la brève période où il avait fait partie de la Ruche, mais elle avait été beaucoup trop avancée quand ils l’avaient arrêtée.

D’autres moments s’immiscèrent dans ses rêves : il naviguait le long de la côte avec Chloe et Luna ; il était dans le bunker, ils y étaient ensemble dans un coin du dortoir, pendant une brève nuit de sécurité. Kevin ne savait pas si c’était juste un rêve ou ce moment dont il avait entendu parler et où les gens voyaient défiler leur vie avant de mourir, ou quelque chose entre les deux.

La douleur l’attaqua à nouveau. Cette fois-ci, elle sembla lui serrer le cœur et l’écraser. Comme elle le tenait fermement, Kevin ne pouvait pas le sentir battre. C’était la sorte de douleur à l’existence de laquelle il n’aurait jamais pu croire avant de la ressentir, la sorte de douleur qui semblait tout englober en même temps.

Il y avait tant d’images dans ses rêves, tant de choses qu’il avait faites et qu’il n’aurait jamais pu faire si le monde avait été différent. S’il n’avait pas eu son pouvoir, est-ce que la Ruche aurait quand même envahi la Terre ? Est-ce qu’il aurait découvert tous ces endroits, vu toutes ces choses ?

Cependant, même si Kevin avait fait beaucoup de choses, ce n’était pas assez. Il ne voulait pas mourir. Il n’avait voulu mourir à aucun moment de cette histoire. Ce n’était pas juste.

— Allez, faites quelque chose !

Les mots semblaient venir de loin. La voix de Chloe passait par un voile qui, bien que fin, Г©tait quand mГЄme beaucoup trop Г©pais pour que Kevin le traverse.

— Nous essayons, répondit une voix et, même si Kevin ne reconnut pas à qui elle appartenait, il reconnut la langue des Ilariens. Si nous avions eu le temps d’étudier ce qui lui arrivait …

— Il n’y a pas le temps, dit la générale s’Lara. Faites le nécessaire.

— Attendez, essaya de demander Kevin mais sans arriver à prononcer les mots, qu’est-ce que vous voulez dire ?

Alors, la douleur le frappa et, s’il avait cru savoir ce qu’était la douleur, celle-ci fut cent fois pire. Elle semblait envahir toutes ses cellules en même temps, le brûler, le geler, le déchirer et l’écraser. On aurait dit qu’elle le déchirait atome par atome et qu’elle les reconstruisait l’un après l’autre. Chaque cellule était légèrement différente, légèrement modifiée et, maintenant, il avait l’impression qu’une vague fraîche le traversait et le transformait sur son passage.

L’obscurité s’éleva une fois de plus devant lui, mais elle ne ressemblait pas à l’obscurité de la mort. En fait, elle lui paraissait réconfortante, douce et pure. Elle s’enroulait autour de Kevin aussi douillettement qu’une couverture et, finalement, il sentit à nouveau son corps.

— Vous pouvez ouvrir les yeux maintenant, Kevin, dit la générale s’Lara.

Les yeux de Kevin lui semblaient collants et difficiles à ouvrir. Il se sentait fatigué …

— Kevin, dit Chloe beaucoup moins doucement, réveille-toi.

Kevin ouvrit brusquement les yeux et il vit la salle où il se trouvait. Elle avait les murs blancs et dégageait une atmosphère paisible. Autour de lui, il y avait des extra-terrestres à la peau bleue et ils portaient des uniformes impeccables qui semblaient familiers. Il ne lui fallut qu’un autre moment pour comprendre que c’était un autre hôpital. Il passait beaucoup trop de temps à ces endroits-là. La générale s’Lara était présente et elle l’observait d’un air visiblement inquiet. Il y avait aussi Ro et c’était encore plus étrange de voir l’expression de son visage alors qu’il appartenait à une espèce extra-terrestre qui, en temps normal, ne ressentait aucune émotion.

Alors, il vit Chloe. Elle se tenait au-dessus de lui et Kevin vit qu’elle avait pleuré. Cependant, ses larmes les plus récentes semblaient être des larmes de joie plutôt que de douleur. Elle tendit les bras vers lui.

— Kevin, je croyais que tu étais mort ! dit-elle. Je croyais que …

— Je croyais moi-même que j’étais mort, dit Kevin.

Il essayait de plaisanter alors que c’était tout sauf une plaisanterie. Il sentait encore la douleur qui lui avait serré le cœur, dévastatrice, dangereuse et mortelle. Il avait vraiment cru qu’il allait mourir. Il avait pensé à toutes les choses qu’il avait faites et à toutes celles qu’il allait perdre.

Cependant, quand Kevin se tourna vers Chloe, il se sentit honteux parce que ce n’était pas à elle mais à Luna qu’il avait pensé au moment où il avait été si certain qu’il était sur le point de tout perdre. C’étaient des moments avec Luna qui lui étaient venus en tête quand il avait pensé à des passages importants de son passé. C’était à des souvenirs de Luna qu’il s’était raccroché et c’était eux qu’il avait tenus près de lui aux moments où il avait été mourant. C’était Luna qu’il avait eu si peur de perdre, pas Chloe. Maintenant, simplement regarder Chloe lui semblait être une sorte de trahison, même s’il ne pouvait pas s’en empêcher.

— Kevin, que se passe-t-il ? demanda Chloe, qui avait bien évidemment repéré sa perplexité.

— Ce n’est rien, dit Kevin en écartant cette pensée.

Il préféra se lever et marcher dans la salle en essayant d’évaluer comment il se sentait. Il s’attendait à ce que son corps soit faible et s’effondre sous l’effort même qu’il produisait en essayant de bouger. Il fut vraiment un peu étonné que les docteurs présents ne l’empêchent pas de se lever, mais ils voulaient peut-être vérifier comment il se portait, eux aussi.

Au lieu de s’effondrer, il se sentit … en bonne santé. Kevin doutait s’être déjà senti en aussi bonne santé à quelque moment que ce soit de sa vie. Il respirait facilement, il n’avait plus mal à la tête et n’avait plus de contractions à la poitrine. Ce ne fut que quand il constata que tous ses problèmes passés avaient disparu qu’il comprit la gravité de la maladie qu’il avait eue.

Il avait l’impression qu’il ne s’était jamais vraiment bien porté de toute sa vie parce que ce bien-être lui paraissait presque étrange par rapport à tout ce qu’il avait connu avant.

— Tu es sûr que tu vas bien ? lui demanda Chloe, et Kevin hocha la tête, même s’il ne savait pas comment décrire ce qu’il ressentait.

— Je ne crois pas m’être jamais senti aussi bien, dit-il.

Il regarda la générale s’Lara et les docteurs, qui semblaient tous l’examiner comme pour essayer de vérifier que tout soit normal.

— Qu’avez-vous fait ?

— Nous vous avons guéri, répondit la générale, Nous avons scanné votre corps pour y repérer des tendances défectueuses, puis nous avons utilisé notre technologie médicale pour remplacer ces tendances par quelque chose de nouveau. Votre cerveau a été stabilisé et votre maladie ne peut donc plus progresser.

— Et ma capacité à traduire des signaux ? demanda Kevin.

Soudain, il trouva la rГ©ponse Г  cette question avant que les autres aient pu dire quoi que ce soit. Les Ilariens ne parlaient pas sa langue, mais la leur. Il pouvait encore les comprendre, pouvait encore sentir les signaux des IA qui communiquaient les unes avec les autres et pouvait encore les traduire quand ils se faisaient trop forts.

… semble être entièrement guéri …

… pourrait s’avérer nécessaire …

— Normalement, la procédure n’a affecté que votre maladie, dit la générale s’Lara en jetant un coup d’œil à un des docteurs, qui hocha la tête, après quoi Kevin constata qu’elle était soulagée d’en avoir la confirmation.

Kevin aurait dû s’en sentir heureux. Il s’en sentait heureux, mais il ressentait aussi autre chose. D’une façon ou d’une autre, il avait l’impression que cela aurait dû être plus difficile. Après tout ce que les scientifiques terriens avaient fait pour le stabiliser et le guérir, il lui semblait impossible que ces extra-terrestres aient pu le guérir en déployant si peu d’efforts.

— Vous … m’avez guéri, dit-il. Pourquoi ? Pourquoi m’avez-vous guéri ? Vous savez ce que j’ai fait. Vous savez que je suis responsable de la destruction du monde où vous vous étiez réfugiés.

— Et nous t’avons jugé pour cela, dit la générale s’Lara. Nous avons accepté que tu restes parmi nous. Croyais-tu que nous allions refuser de te soigner alors que nous avions la capacité de le faire ? Nous ne sommes pas comme ça. Ce serait injuste.

Alors, Kevin se sentit submergé par l’immensité de la bonté et de la bienveillance de la générale. Comment ces extra-terrestres pouvaient-ils être aussi bien intentionnés ? Il semblait impossible que qui que ce soit puisse être aussi généreux envers celui qui avait tant essayé de le détruire. Après tout ce qu’il avait fait …

— Ce n’était pas ta faute, Kevin, dit Chloe.

Kevin aurait aimé pouvoir le penser. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était être immensément reconnaissant que les autres le pensent, eux.

— Merci, dit-il à la générale. Je … je ne sais pas quoi dire.

Ils lui avaient rendu sa vie. Ils l’avaient guéri alors que personne d’autre ne pouvait le faire et ils l’avaient fait alors qu’ils avaient eu toutes les raisons de ne pas le faire.

— Vous n’avez besoin de rien dire, répondit la générale s’Lara, Nous aidons ceux qui en ont vraiment besoin. Nous cherchons la paix là où nous pouvons la trouver. Nous pardonnons.

Cela semblait impossible à croire. Kevin n’était pas sûr qu’il arriverait à pardonner à la Ruche. S’il avait une chance de la détruire, il le ferait. Et pourtant … il se tourna vers Ro. Kevin ne le détestait pas. Il avait même confiance en lui, alors que l’ex-Plus Pur avait été un de ceux qui avaient tenté de détruire sa planète.

— J’ai tant de choses à apprendre, dit Kevin.

Il se tourna vers Chloe et, une fois de plus, il se sentit coupable d’avoir pensé à Luna et pas à Chloe quand il avait été mourant. C’était Chloe qui l’avait soutenu sur le vaisseau-monde de la Ruche. Elle l’avait aidé à s’échapper. Il savait ce qu’elle ressentait pour lui et il avait même quelques sentiments de son côté … mais c’était Luna qu’il voyait quand il fermait les yeux, Luna à laquelle il pensait à chaque moment de liberté, même s’il y avait de fortes chances qu’elle soit noyée dans la masse des humains transformés.

— Vous avez eu droit à un nouveau commencement, Kevin, dit doucement la générale s’Lara comme si elle comprenait l’énormité de tout ce qui arrivait à Kevin. La question, c’est de savoir ce que vous allez choisir d’en faire.

Alors, Kevin ne put plus rester dans la salle. C’était trop. Ce n’était pas seulement qu’il ne savait pas quoi dire ou penser. À ce moment-là, il avait besoin d’air frais. Il voulait se souvenir qu’il était vraiment vivant, qu’il avait vraiment un avenir potentiel.

Il y avait des portes qui menaient de l’hôpital à une sorte de balcon qui semblait avoir poussé de l’arbre lui-même. Il entourait l’arbre comme un grand champignon qui aurait poussé sur le tronc et il était largement assez grand pour le tenir avec une dizaine d’autres personnes. Kevin avança dessus. Entouré par les arbres, il absorba la beauté du monde qui s’étendait au-dessous. Çà et là, de petits vaisseaux filaient entre les arbres avec autant d’agilité que des oiseaux, ou ils montaient vers les grands vaisseaux qui attendaient en orbite. Des oiseaux plus gros que Kevin nichaient dans certaines des branches et chantaient des chansons qui remplissaient l’air de musique pendant que des vignes vierges pendaient presque jusqu’au sol et que des créatures à fourrure à moitié aussi grandes que Kevin faisaient l’aller-retour sur le tronc.

À cet endroit, l’air était parfumé et ce n’était pas uniquement à cause du musc des fleurs de la forêt et de la canopée feuillue, même s’ils y contribuaient. C’était aussi dû au fait qu’il pouvait inspirer à fond sans souffrir et se tenir là sans avoir de vertiges à cause de la leucodystrophie qui avait menacé de l’engloutir. C’était très étrange de se tenir là comme ça et, plus Kevin le faisait, plus il était certain que toute sa vie avait été affectée par cette maladie. Il avait cru qu’elle n’était entrée dans sa vie qu’au cours des quelques derniers mois, mais la saveur de l’air d’ici lui apprit qu’elle avait toujours fait partie de lui, rôdant, attendant son heure et ne se manifestant qu’au stade où elle avait été trop avancée pour être curable.

Il se tenait là, observait l’immensité et la beauté du monde qui l’entourait et l’émotion brute lui semblait tout simplement irrésistible. Il lui était arrivé tant de choses, et maintenant, il se sentait mieux que jamais. Pourtant, il se sentait minuscule face aux défis de la vie. Il avait l’impression qu’il y avait trop de choses qu’il ne savait pas, trop de choses qu’il lui fallait encore apprendre et comprendre. Il avait toute cette nouvelle vie à passer et il y avait tant de choses à y apprendre et à y faire que, même maintenant, il ne savait pas si cette vie allait suffire.

— Kevin, tu vas bien ? demanda Chloe, qui sortit après lui.

Pendant un moment ou deux, Kevin voulut se cacher derrière l’étrangeté de tout ce qu’il avait vécu. Il voulut lui dire qu’il se remettait du choc de ce qui s’était passé, ou de sa guérison subite. Il voulait faire comme si tout allait bien. Il voulait mentir alors que Chloe était une des rares personnes qui méritait mieux que des mensonges.

Il savait qu’il ne pouvait pas faire ça.

— Je … Chloe, j’ai quelque chose à te dire.

— Tu es amoureux de Luna, dit Chloe.

Elle resta là, aussi immobile qu’une statue, sans dire un mot, attendant visiblement que Kevin veuille bien le faire. Il lui fallut un moment parce que Chloe l’avait pris de vitesse et il avait besoin de se remettre du choc.

Il hocha la tГЄte.

— Je … elle est mon amie depuis toujours. Je pense à elle tout le temps. Je voudrais … je voudrais ressentir la même chose pour toi, mais ce n’est pas le cas.

Chloe resta immobile pendant ce qui sembla être une éternité et Kevin se dit qu’il aurait voulu ne pas lui infliger cette sorte de douleur, même s’il savait qu’il n’avait pas eu le choix. Il ne voulait pas la faire souffrir, mais il ne voulait pas non plus lui mentir. Kevin attendit qu’elle craque, lui crie dessus, réagisse avec toute l’émotion dont il la savait remplie à ras bord. Pourtant, elle resta où elle était, immobile comme une statue.

— Oui, dit-elle finalement, je sais.

— Tu le sais, dit Kevin. C’est tout ?

— Que veux-tu que je dise ? répliqua Chloe, et Kevin entendit alors sa douleur. J’ai mal, bien sûr, mais, dans la Ruche, j’ai vu que les choses pouvaient être bien pires. J’ai vu qu’il était mal d’imposer ce qu’on ressent aux gens. Je …

Kevin voyait qu’elle avait les larmes aux yeux et il la prit instinctivement dans ses bras et la tint près de lui pour la réconforter. Il était quasiment sûr que ce n’était pas la personne qui venait de dire qu’elle ne vous aimait pas qui devait vous réconforter, mais il le fit quand même.

— Je suis désolé, dit-il. Je voudrais —

— Tu voudrais quoi, Kevin ? demanda Chloe. Que rien de tout cela ne soit arrivé ? Tu ne dois pas vouloir ça. Je ne le veux pas.

Une partie de Kevin le voulait, malgré ça. Il aurait voulu que l’invasion extra-terrestre n’ait jamais eu lieu. Il aurait voulu n’avoir jamais ouvert la capsule qu’ils avaient envoyée, ou il aurait voulu trouver le moyen d’empêcher les dégâts qui avaient été commis. Trop de gens avaient souffert, parfois à cause des choses qu’il avait faites. S’il pouvait effacer ces choses, il le ferait, tout simplement parce qu’il détestait la douleur qui hantait l’univers par sa faute. Pourtant, si rien de cela n’était arrivé, il n’aurait jamais rencontré Chloe, il n’aurait jamais fait la moitié des choses stupéfiantes qu’il avait faites.

Kevin comprit alors que Chloe avait raison : il ne devait pas désirer que les choses se soient passées différemment. Pourtant, alors même qu’il réfléchissait à la réponse qu’il allait faire à Chloe, il vit le ciel s’obscurcir et une forme beaucoup trop familière s’imposer au-dessus de ce monde.

— Non, murmura-t-il, non …

Le vaisseau-monde de la Ruche se positionna comme une sorte d’illusion d’optique, présent un moment, absent l’autre. Il planait au-dessus du monde des Ilariens, occupant le ciel. Déjà, des vaisseaux commençaient à en sortir, donnant l’impression qu’il était facile de déplacer une chose aussi immense et aussi terrifiante.

Kevin vit la générale s’Lara se ruer sur le balcon avec la même horreur qu’il ressentait à ce moment-là. Ils s’étaient crus à l’abri. Ils avaient cru qu’ils auraient au moins un peu de temps.

— Comment ? demanda-t-elle. Comment ont-ils pu nous retrouver alors que nous les avons semés ?

Elle regarda Kevin, Chloe puis Ro dans l’hôpital. Kevin voyait quels étaient ses soupçons et il avait du mal à ne pas les partager. Il ne pensa pas un seul instant que Ro ait fait quoi que ce soit délibérément, mais pouvait-il exister une connexion résiduelle à la Ruche ? Et s’ils poursuivaient Kevin, pas Ro ?

Il y réfléchissait encore quand Chloe avança en tendant le bras.

— Ce … ça pulse. Je crois … je crois qu’ils pistent cet objet. Enlevez-le-moi. Enlevez-le !

Kevin ne savait pas quoi dire. Au-dessus d’eux, le vaisseau-monde était encore là et déversait des petits vaisseaux qui promettaient la mort. Kevin leva les yeux vers eux et sentit à quel point tout cela était injuste. Les Ilariens venaient de le sauver, de lui donner la possibilité de vivre tout le reste de sa vie.

Maintenant que la Ruche était ici, Kevin était certain qu’ils allaient tous mourir.




CHAPITRE CINQ


Luna était … Luna était. Il fallait qu’elle essaie de s’en souvenir. Il fallait qu’elle se souvienne qu’elle existait, que c’était réel, pas seulement … seulement … non, la mémoire et les mots lui échappaient alors même qu’elle et le reste des … des Survivants, c’était ça, se dirigeaient vers les usines qui, selon eux, était les plus susceptibles de contenir les choses dont ils avaient besoin.

Luna s’acharnait contre l’intérieur de sa cage, s’attaquait à l’acier comme si ses mains pouvaient le déchiqueter. Elle voyait qu’il y avait maintenant du sang sur les barreaux et elle ne pouvait même pas se souvenir d’où il venait. Était-ce parce qu’elle s’attaquait au métal ou était-ce autre chose ? Elle essaya de s’arrêter, mais elle n’avait aucun contrôle sur son corps. Les extra-terrestres qui la contrôlaient voulaient qu’elle trouve le moyen de s’évader, de tuer, peu importe si elle se blessait pour cela.

— Patience, Luna, dit Ignatius, même s’il avait l’air inquiet maintenant. Nous allons trouver un moyen de fabriquer le remède. Nous allons te rendre à toi-même.

Pourtant, ce n’était pas à elle-même que Luna pensait à ce moment-là. Elle pensait plutôt à Kevin. C’était au souvenir de Kevin qu’elle se raccrochait comme un alpiniste qui se raccroche aux rochers de peur de tomber. Elle se raccrochait à son image mais, maintenant, même ses souvenirs de lui commençaient à se dissiper, aussi flous que … que … elle ne s’en souvenait plus. Elle se souvenait bien qu’elle avait traversé le pays avec lui. Elle se souvenait des moments de plaisir qu’ils avaient connus avant les événements, quand ils n’avaient encore été que des amis, mais la majorité de ce qui s’était passé entre les deux avait commencé à disparaître. Pourtant, elle se raccrochait à Kevin aussi fermement qu’elle le pouvait et, ce faisant, elle semblait aussi se raccrocher à un peu du reste. Elle reconnut Bobby le chien qui courait au milieu des hommes et restait aussi près d’elle que possible. Il ne grognait plus, maintenant, mais c’était peut-être parce qu’il comprenait qu’elle ne pouvait plus faire de mal à personne.

Maintenant, ils approchaient des usines et Luna vit les autres regarder autour d’eux avec la sorte d’appréhension dont on fait preuve quand on a connu trop de mauvaises expériences. Ils étaient si nombreux, maintenant, qu’ils formaient quasiment une armée et une partie de Luna lui disait qu’elle devrait tenter de les transformer en créatures semblables à elle. Même maintenant, elle leur crachait du gaz alors que cela n’avait plus d’effet grâce au remède.

Certains d’eux la regardaient avec peur pendant qu’ils avançaient, comme s’ils s’attendaient à ce qu’elle s’attaque à eux à tout moment. Certains manipulaient leurs armes, comme s’ils étaient tentés de s’en servir. Elle reconnut l’un de ceux qui le faisaient. Il s’appelait l’Ourson, mais elle n’arrivait à se souvenir de rien d’autre sur lui et ne comprenait pas pourquoi elle était si triste de le voir serrer la crosse d’une arme comme tant d’autres.

— On dirait que cet endroit a connu quelques batailles, dit Ignatius en se tournant vers Leon. Es-tu sûr qu’ils auront ce dont nous avons besoin pour traiter du minéral ?

Leon haussa les Г©paules pour toute rГ©ponse, ce qui fut loin de rГ©conforter Luna.

— Je ne suis sûr de rien. On a entendu des combats autour des usines et les humains transformés ont peut-être pillé l’endroit. Nous ne savons pas ce qu’il y a ici.

Luna ne savait pas quoi en penser. En fait, à ce stade, elle pouvait tout juste penser. Malgré les doutes de Leon, le groupe avança prudemment parmi les restes des bâtiments industriels, inspectant les alentours sur leur passage comme s’ils cherchaient des ennemis dans les zones d’ombre. Maintenant, le lieu tout entier avait l’air aussi squelettique que la carcasse d’une grande créature en acier. Des parties des murs étaient endommagées ou s’étaient même effondrées suite aux combats qui s’y étaient déroulés.

Sur sa remorque bringuebalante, ils emmenèrent Luna dans un espace où l’enseigne d’une entreprise de produits chimiques pendait de guingois comme si elle allait tomber à tout moment. Partout où regardait Luna, il y avait des cuves et des bonbonnes, certaines assez grandes pour être traversées par des passerelles de métal perforé. Quelques-unes des cuves avaient l’air vides parce que leur contenu avait été pillé, s’était évaporé ou parce qu’elles fuyaient, mais plusieurs d’entre elles contenaient des produits chimiques qui bouillonnaient çà et là en promettant la mort à tous ceux qui auraient la malchance de tomber dedans. Des décombres jonchaient le sol et rendaient la progression difficile, des poutres métalliques qui semblaient être tombées du plafond aux caisses qui, éparpillées çà et là, semblaient avoir été fouillées.

Les Survivants se déployèrent autour de Luna et se mirent à fouiller l’usine en évoluant entre les piles de décombres et en examinant ce qui restait en espérant probablement y trouver quelque chose d’utile.

— Que cherchons-nous ? demanda l’un d’eux.

— Nous aurions besoin de machines de traitement des produits chimiques sous forme utilisable ; pas les cuves, cherchez plus loin derrière, répondit Barnaby.

Luna ne pouvait qu’attendre et espérer et elle détestait y être forcée. Une partie d’elle-même détestait cette attente parce que cela signifiait qu’elle ne pouvait pas tuer les gens qui l’entouraient, mais elle savait que cette partie n’était pas vraiment elle, seulement la partie contrôlée par les extra-terrestres. Ce qui l’inquiétait le plus, c’était que, plus le temps passait, plus elle avait de mal à s’en souvenir. Elle ne pouvait pas attendre parce qu’elle n’avait pas le temps de le faire.

— Ici ! cria Leon de derrière un tas de détritus. Barnaby, Ignatius, venez voir.

À l’entendre, il semblait espérer avoir trouvé quelque chose d’intéressant, mais Luna n’osait pas partager cet espoir. Luna vit Barnaby et Ignatius disparaître derrière le même tas. Des secondes passèrent, puis des minutes.

— Emmenez Luna, cria Ignatius qui, d’une façon ou d’une autre, avait l’air plus confiant que Leon parce qu’il savait ce qu’ils cherchaient.

Les hommes qui entouraient Luna poussèrent sa remorque sur le sol inégal de l’usine. Par les barreaux de sa cage, Luna vit des machines qu’elle ne comprenait pas. Certaines d’entre elles semblaient conçues pour moudre des matériaux tandis que d’autres parties scannaient et d’autres liquéfiaient. D’après les rayures visibles au sol, il semblait que Barnaby et Ignatius aient rapproché deux ou trois appareils les uns des autres pour assembler des éléments. Ils semblaient aussi avoir scotché deux ou trois autres machines plus petites les unes contre les autres pour créer un appareil plus grand bien qu’instable.




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